Mali : Des femmes déplacées internes assistées par le PAM en quête de paix

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Vue partielle de l’intérieur de la case d’Adia Diallo. Photo : WFP/Myrline Sanogo-Mathieu

Depuis la crise de 2012, le Mali traverse une période difficile marquée par de violences intercommunautaires qui poussent des milliers de personnes à quitter leur domicile pour chercher un endroit plus sûr. Dans ce contexte, l’accès des personnes déplacées internes aux services sociaux de base, ainsi qu’à une alimentation saine et nutritive est très limité dans un pays qui n’a pas été épargné par les impacts négatifs de la pandémie de COVID-19, du changement climatique, et de la hausse des prix des denrées alimentaires sur le marché local.

Grâce aux efforts conjugués du PAM et de partenaires comme la Commission européenne à la protection civile et aux opérations d’aide humanitaire (DG ECHO), des familles déplacées au Mali arrivent à joindre les deux bouts.

Par Myrline SANOGO-MATHIEU

« Avant d’arriver ici, je vivais la peur au ventre »

Drapée dans son voile beige qu’elle arbore au-dessus d’une robe violette et noire, Adia Diallo, la cinquantaine, s’installe sur un tapis à côté de deux de ses compairs qui l’écoutent raconter leur histoire commune, les yeux dans le vide. Soudain, Adia s’arrête de parler. Elle regarde autour d’elle avant de lancer : « Quand on est arrivés ici, il n’y avait que des arbustes. Chacun en a adopté un pour y installer sa tente. Mais moi, j’ai choisi un endroit où foisonne l’herbe fraîche », confie-t-elle en montrant d’une main, la demeure provisoire qui se trouve en face d’elle.

Adia Diallo devant sa case avec l’un de ses fils. Photo : WFP/Aboubacar Sidibe

De petite taille, mais d’une corpulence qui résiste au temps et aux adversités de ses périples forcés, Adia, cheffe de famille, se souvient comme si c’était hier, du jour où elle a dû s’enfuir pour « sauver sa peau. »

« J’ai d’abord marché sept kilomètres à travers le sable pour atteindre le goudron. Ensuite, j’ai pris le bus jusqu’à Bamako où un cousin nous a accueilli, avec mes deux enfants de 8 et 12 ans, avec qui j’ai pu faire ce voyage impromptu et périlleux », se remémore la quinquagénaire. Dès l’établissement du camp de Sénou par les autorités maliennes, elle a pu y trouver une place avec ses deux enfants, parce que la charge pesait trop lourd pour son cousin qui a sous ses responsabilités une famille nombreuse.

Situé à quelques dizaines de kilomètres de Bamako, le camp de Sénou où vit Adia et sa famille, abrite plus de 2000 personnes déplacées internes (PDI). Depuis leur installation, il y a un peu plus de quatre ans, ce camp est devenu leur village. Ils y ont planté des arbres, afin de le rendre plus vivable. Certains quittent le camp le matin pour faire des petits boulots en ville avant de revenir y dormir le soir tandis que les plus vulnérables dépendent de l’assistance alimentaire et nutritionnelle du Programme alimentaire mondial (PAM) et de ses partenaires pour répondre à leurs besoins alimentaires.

L’un des fils d’Adia Diallo jouant se cache derrière la case de sa mère lors d’un jeu avec ses pairs. Photo : WFP/Myrline Sanogo-Mathieu

D’autres acteurs humanitaires fournissent des services d’hygiène, assurent l’éducation des enfants, ainsi que le développement d’activités génératrices de revenus pour les femmes comme la fabrication artisanale du savon.

Adia rêve de retourner dans son village natal, situé au cœur d’une région du nord du pays. Il lui manque tellement de choses, malgré le sommeil paisible qu’elle a ici au camp. Cependant, elle est bien consciente que ce n’est pas encore le moment. « Je vis grâce aux dons que je reçois. Dans mon village, je tirais le lait pour en faire du beurre et les hommes cultivaient le mil que nous revendions. C’est avec ces revenus que nous nous nourrissions », dit-elle, nostalgique. Veuve, elle est devenue, depuis quelques années, la cheffe de famille, devant s’occuper de ses deux enfants.

Le Mali a connu une augmentation de 4 pourcents de personnes déplacées internes (PDI), passant d’au moins 375 000 en avril à plus de 391 000 personnes en septembre 2023 — les régions du centre et du nord enregistrant le nombre le plus élevé. Plus de 3 400 PDI ont trouvé refuge depuis quelques années, dans certaines communes de Bamako, sur des sites disponibilisés à cet effet par les autorités.

Djeneba Barry assise sous une tente ou elle retrouve ses sœurs pour échanger. Photo : WFP/Aboubacar Sidibe

Un léger vent souffle. Alors que les autres femmes autour de Adia s’impatientent pour raconter leur part d’histoire, Djeneba Barry, 55 ans, mère de sept enfants et grand-mère de deux autres, préfère prendre du répit sous une tente, le visage marqué par les affres de la vie.

« Avant d’arriver ici, je vivais la peur au ventre. J’ai dû traverser trois villages pour me mettre à l’abri de la violence qui terrassait le mien. On passait parfois deux jours à se cacher sans pouvoir aller se chercher à manger », se lamente-t-elle.

« Certaines d’entre nous sont arrivées les mains vides, seulement les habits sur le dos. Nous sommes reconnaissantes de cette aide précieuse qu’apporte le PAM ainsi que des efforts des autres acteurs qui nous soutiennent », reconnait-elle.

Tisser des liens de sororité et une vie sociale active

Adia Diallo et Djeneba Barry racontant leur histoire. Photo : WFP/Aboubacar Sidibe

En plus de l’assistance alimentaire fournie par le PAM, les femmes déplacées apprennent la saponification pendant que les enfants en âge de scolarisation suivent des cours, grâce à la synergie de plusieurs acteurs humanitaires.

Le savon fabriqué est revendu dans les environs du camp et l’argent gagné est utilisé pour booster leur production et/ou répondre à d’autres besoins prioritaires. Adia et Djeneba se définissent comme des battantes, debout pour faire face aux aléas de la vie et donner de l’espoir à la jeune génération de filles dans le camp. Leur engagement à encourager et veiller sur les filles, et jeunes femmes du camp ainsi que la motivation qu’elles apportent au sein du groupement de 20 femmes qui fabriquent le savon, en sont le symbole. « En faisant des activités ensemble, nous nous réconfortons pour avancer. Nous nous sommes mises d’accord pour épargner les revenus de la vente du savon dans une caisse commune, afin d’acheter les ingrédients pour en fabriquer en quantité suffisante à la fois pour nous et pour continuer le petit commerce, » souligne Adia.

Malgré ses occupations dans le camp, Adia est nostalgique du reste de la famille, de sa mère restée dans sa région d’origine, des vaches à traire le matin et du lait frais du matin. « Là-bas, c’est chez nous. Il n’y a pas deux chez soi. Si la paix revient aujourd’hui, le lendemain on rentrera chez nous », dit-elle fermement.

« Nous avons un devoir moral et de solidarité de soutenir les personnes qui comptent sur nous dans les pires moments de leur existence, comme quand elles sont forcées par les circonstances de tout abandonner pour assurer leur survie », souligne Eric Perdison, Représentant et Directeur-Pays du PAM au Mali.

De janvier à octobre 2023, le PAM a fourni une assistance alimentaire et nutritionnelle à plus de 311 000 PDI dont plus de la moitié sont des femmes. L’appui du PAM, a été possible grâce au soutien de nombreux donateurs y compris l’Union européenne.

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